(b. ABT 1714, d. 9 DEC 1770)
(b. 30 JUN 1748, d. 15 JAN 1829)
Thanks to the kind assistance of Dr. Marc Olsen of the University of Chicago, we are able to identify Marie Charlotte Aguiton conclusively as the famous "Madame Johannot" who figures in the writings of Benjamin Constant. Late in his life, Constant began a memoire he called "Ma Vie." He got only as far as a chronicle of his youth, and the manuscript, in a red notebook, was not published until 1907, under the title Le Cahier Rouge. Constant's account of Mme. Johannot's circumstances is evidently given from her point of view, and we may suppose that she offered him a certain amount of self-justification for her flirtations, based on the "sauce for the goose" principle. All other accounts of her husband that have come to our attention attest to his skill and efficiency in business and finance.
...j'arrivais � Paris dans le mois de mars 1785.
Mon p�re avait fait pour moi un arrangement qui m'aurait valu des agr�ments de tout genre si j'avais su et voulu en profiter. Je devais loger chez M. Suard qui r�unissait chez lui beaucoup de gens de lettres, et qui avait promis de m'introduire dans la meilleure soci�t� de Paris. Mais mon appartement n'�tant pas pr�t, je d�barquai dans un h�tel garni; j'y fis connaissance avec un anglais fort riche et fort libertin; je voulus l'imiter dans ses folies, et je n'avais pas �t� un mois � Paris que j'avais des dettes par-dessus la t�te. Il y avait bien un peu de la faute de mon p�re qui m'envoyait � dix-huit ans, sur ma bonne foi, dans un lieu o� je ne pouvais manquer de faire fautes sur fautes. J'allai cependant � fin loger chez M. Suard et ma conduite devint moins extravagante.
Mais les embarras dans lesquels je m'�tais jet� en d�butant eurent des suites qui influ�rent sur tout mon s�jour. Pour comble de malheur, mon p�re crut devoir me placer sous une surveillance quelconque, et s'adressa pour cet effet � un ministre protestant, chapelain de l'ambassadeur de Hollande. Celui-ci crut faire merveille en lui recommandant un nomm� Baumier, qui s'�tait pr�sent� � lui comme un protestant, pers�cut� pour cause de religion par sa famille. Ce Baumier �tait un homme perdu de moeurs, sans fortune, sans asile, un v�ritable chevalier d'industrie de la plus mauvaise esp�ce. Il t�cha de s'emparer de moi, en se mettant de moiti� dans touts les sottises que je voulais faire, et il ne tint pas � lui que je n'adoptasse le genre de vie le plus dissolu et le plus abject. Comme, ind�pendamment de tous ses vices, il �tait sans esprit, fort ennuyeux et tr�s insolent, je me lassai bient�t d'un homme qui ne fasait que m'accompagner chez des filles et m'emprunter de l'argent, et nous nous brouill�mes. Il �crivit, je crois, � mon p�re, et il exag�ra, je suppose, le mal qu'il y avait � dire de moi, quoique la v�rit� f�t d�j� tr�s suffisante.
Mon p�re arriva lui-m�me � Paris et m'emmena � Bruxelles, o� il me laissa pour retourner � son r�giment. Je restai � Bruxelles depuis le mois d'ao�t jusqu'� la fin de novembre [1785], partageant mon temps entre les maisons d'Anet et d'Aremberg, anciennes connaissances de mon p�re, et qui, en cette qualit�, me firent un tr�s bon accueil, et une coterie de genevois, plus obscure, mais qui me devint bien plus agr�able. Il y avait dans cette coterie une femme d'environ vingt-six � vingt-huit ans, d'une figure fort s�duisante et d'un esprit fort distingu�. Je me sentais entra�n� vers elle, sans me l'avouer bien clairement, lorsque, par quelques mots qui me surprirent d'abord encore plus qu'ils ne me charm�rent, elle me laissa d�couvrir qu'elle m'aimait. Il y a, dans le moment o� j'�cris, vingt-cinq ans d'�coul�s depuis le moment o� je fis cette d�couverte, et j'�prouve encore un sentiment de reconnaissance en me retra�ant le plaisir que j'en ressentis.
Madame Johannot, c'�tait son nom, s'est plac�e dans mon souvenir, diff�remment de toutes les femmes que j'ai connues: ma liaison avec elle a �t� bien courte et s'est r�duite � bien peu de chose. Mais elle ne m'a fait acheter les sensations douces qu'elle m'a donn�es par aucun m�lange d'agitation ou de peine : et � quarante-quatre ans je lui sais encore gr� du bonheur que je lui ai d� lorsque j'en avais dix-huit.
La pauvre femme a fini bien tristement. Mari�e � un homme tr�s m�prisable de caract�re et de moeurs tr�s corrompues, elle fut d'abord tra�n�e par lui � Paris, o� il se mit au service du parti qui dominait, devint, quoique �tranger, membre de la convention, condamna le roi � mort et continua jusqu'� la fin de cette trop c�l�bre assembl�e � y jouer un r�le l�che et �quivoque. Elle fut ensuite rel�gu�e dans un village d'Alsace pour faire place � une ma�tresse que son mari entretenait dans sa maison. Elle fut enfin rappel�e � Paris pour y vivre avec cette ma�tresse que son mari voulait l'obliger � servir, et les mauvais traitements dont il l'accabla la pouss�rent � s'empoisonner. J'�tais alors � Paris moi-m�me et je demeurais dans son voisinage: mais j'ignorais qu'elle y f�t, et elle est morte � quelques pas d'un homme qu'elle avait aim� et qui n'a jamais pu entendre prononcer son nom sans �tre �mu jusqu'au fond de l'�me, elle est morte, dis-je, se croyant oubli�e et abandonn�e de toute la terre.
Il y avait � peine un mois que je jouissais de son amour, quand mon p�re vint me prendre pour me ramener en Suisse. Madame Johannot et moi nous nous �criv�mes de tristes et tendres lettres, au moment de mon d�part. Elle me donna une adresse sous laquelle elle consentit � ce que je continuasse � lui �crire : mais elle ne me r�pondit pas. Je me consolai sans l'oublier, et l'on verra que bient�t d'autres objets prirent sa place. Je la revis deux ans apr�s [1787] une seule fois � Paris, quelques ann�es avant ses malheurs. Je me repris de go�t pour elle. Je lui fis une seconde visite; elle �tait partie : lorsqu'on me le dit, j'�prouvais une �motion d'une nature tout � fait extraordinaire par sa tristesse et sa violence. C'�tait une sorte de pressentiment funeste que sa fin d�plorable n'a que trop justifi�.
