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Histoires de Voyageurs et émigrants


PIERRE DIRCKX:
 Taos settlement, Missouri

Pierre Dirckx

 

adressa deux rapports au
 ministre des Affaires Etrangères de Belgique
(liasse 2025 A)

un en 1848, qui parut
 "légèrement remanié"
dans le :

Moniteur Belge
des 17/18 juillet
p. 1919-1920

et un deuxième en 1849

Eecloo, le 16 avril 1847 Lettre adressée au Ministre des Affaires Etrangères

Le soussigné Pierre Dirckx, particulier sans profession à Eecloo, se proposant d'établir une colonie agricole dans le Wisconsin, un des Etats-Unis d'Amérique, vous prie, pour lui et pour les compatriotes qu'il a engagé à son service, de vouloir le munir d'une recommandation, pour les personnes en titre qui, aux Etats-Unis sont chargées de défendre les intérêts belges.

Cette recommandation, Monsieur le Ministre, dans l'absence d'une société de protection belge, leur serait particulièrement utile à leur arrivée à New York, pour éviter les pièges que la cupidité tent à l'inexpérience et à la bonne foi des émigrants; pour leur faire obtenir des renseignements sur les logements les plus favorables; sur les endroits les plus favorables à leur établissement; sur les moyens de transport les plus avantageux pour les mener dans les lieux de leur destination etc. etc.

Il prend aussi la respectueuse liberté, Monsieur le Ministre, de vous exposer, qu'en cas de réussite de cette entreprise, ces contrées si favorisées par la nature, où se trouvent déjà nombre de familles zélandaises, pourraient offrir un refuge a nos malheureuses populations flamandes; et de plus, que dans la suite, peut-être avant peu d'années, cette colonie de Belges, servant en quelque sorte de facteur à nos maisons de Commerce, pourraient aider à ouvrir à notre patrie, avec ces contrées si riches, des relations commerciales très avantageuses.

A l'appui de ceci, il cite l'avis de monsieur le baron Vanderstraeten Ponthoz, qui dans son rapport sur l'émigration aux Etats-Unis, établit cette extension du commerce de l'Allemagne par l'intermédiaire des émigrants de ce pays.

Une société d'exportation vient de se former en Belgique. Peut-être, Monsieur le Ministre, serez-vous d'avis, que le sous signé, muni de certaines instructions et porteur des échantillons avec les prix de divers articles, pourrait au moins fournir au gouvernement des rapports très utiles; dans ce cas Monsieur le Ministre, il serait heureux d'être honoré par des ordres dans ce sens et de pouvoir être utile à ses compatriotes qu'il quitte pour toujours.

En attendant Monsieur le Ministre une réponse favorable de votre part, avant le 26 avril, date à laquelle il doit être rendu à bord à Rotterdam pour partir le 1 ou 2 mai, il se nomme aux respects etc...

Votre très humble serviteur

Dirckx

(en marge, une note de recommandation par le commissaire d'arrondissement d'Eecloo)

 

Le 22 avril, une lettre de recommandations est envoyée par le Ministre à Beaulieu à Washington : "... Pierre Dirckx d'Eecloo se rend aux Etats-Unis avec un certain nombre de nos compatriotes dans le dessein de former une colonie agricole dans le Wisconsin..."  et lui demande de l'aider. 

Un premier rapport est reçu en juillet 1848, 

Monsieur le Ministre,

Par lettre du 16 avril 1847, datée d'Eccloo en Flandre et apostillée par Mr le Commissaire d'arrondissement, je pris la respectueuse liberté d'annoncer à Mr le Ministre des Affaires Etrangères de la Belgique mon intention d'émigrer aux Etats-Unis de l'Amérique du Nord, avec un certain nombre de mes compatriotes priant Mr le Ministre de vouloir me munir de lettres de recommandation pour les personnes en titre qui dans ces contrées représentent la Belgique et y protègent les intérêts du Pays. Dans le dernier paragraphe de ma lettre, je me suis permis d'exprimer le vœux que notre établissement dans ces contrées si riches pût être de quelque utilité à notre malheureuse patrie soit en y préparant un lieu de refuge pour ceux de nos compatriotes qui voudraient nous y suivre, soit en facilitant les relations commerciales par exemple au moyen de la société d'exportation dont il était question.

Mr le Ministre eut l'extrême obligeance de m'envoyer par sa lettre du 22 avril 1847, Indicateur B n° 303, deux lettres de recommandation, la première pour Mr Beaulieu, Ministre Résident à Washington, l'autre pour Mr Moxhet, Consul Général de Belgique à New York, ces lettres également marquées de l'Indicateur B n° 303, je n'ai pu faire usage que de la première.

Mr le Ministre, dans sa lettre sus rappelée, ayant déclaré qu'il recevrait avec intérêt les communications par lesquelles nous lui ferions connaître le résultat de notre entreprise. J'ai l'honneur, Monsieur le Ministre, de vous donner par la présente connaissance de notre position actuelle . Mais que d'abord je remercie de cœur Mr le Ministre des Affaires Etrangères et Mr de Beaulieu surtout, qui nous a parfaitement reçu et nous a, à son tour, munis de lettres de recommandation et nous a ménagé la protection et l'appui non seulement des différentes personnages sur notre passage mais même de Mr le Président des Etats-Unis. Nos remerciements aussi à Mr l'abbé Ferdinand Hélias d'Huddeghem, pasteur dans cette contrée, natif de Gand qui, mieux que l'appuis, mieux que la protection nous a accordé un accueil tout paternel.

La colonie agricole Flamande, Mr le Ministre, est établie, non au Wisconsin, où les longs hivers et le défaut de communication rendent la position moins avantageuse, mais dans le Missouri, à sept milles (2 lieues belge) seulement de Jeffersoncity, Capitale de cet Etat dans le "jardin de l'Ouest", comme on l'appelle. La surface de la contrée est interrompue par des côtes et moins égale qu'en Flandre mais les bas fonds et les terrains aplanis sont extrêmement fertiles et on peut dire même sans exagération que les terres situées auprès les rivages des fleuves, des rivières et torrents qui entrecoupent ces pays sont les plus riches qu'on puisse trouver sur ce globe. La contrée est très bien boisée, abonde en sources d'eau excellente. Le marché consiste surtout en race de chevaux, de bêtes à cornes, de pourceaux et de brebis. Les grains de toute description, le chanvre et le tabac se cultive aussi pour l'exportation. Le pays abonde de même en mines de plomb, de fer et d'autres minéraux. Les meules de moulin tirés d'ici sont les meilleurs des Etats-Unis. Nous avons aussi dans ce voisinage des Moulins de toute espèce, à vapeur, au vent, à l'eau, tirés par bœufs ou chevaux, ainsi que des Brasseries, des Distilleries.

La vigne et les arbres fruitiers de toute espèce viennent ici à souhait et leurs fruits sont plus abondants et meilleurs qu'en Europe. La grande fertilité du sol et la simplicité des procédés de l'agriculture, font ici du travail le capital le plus considérable. Il ne faut ni engrais, ni attirail dispendieux. Un émigrant peut avoir ici sa maison construite et en ordre pour 15 dollars, deux bœufs valent 16 dollars, un cheval 25 et une vache avec son veau 6 dollars. La valeur de la terre défrichée varie selon l'amélioration, sa qualité et les édifices qui s'y trouvent On a 40 arpents de terres vierges à 50 dollars; il y en a encore de 80,000 à 100,000 aux environs de Jeffersoncity. L'arpent y produit en moyenne 20 boisseaux de froment, 50 de sarrasin, 40 de maïs et 1500 livres de tabac. Les frais du voyage payés, deux cents dollars suffisent avec de l'industrie pour s'y établir. Il n'y règne pas de fièvres bilieuses. L'Etat sanitaire de la colonie fut toujours excellent. La population y accroît d'une manière inouïe. Mes compagnons et moi, nous avons déjà ouvert une grande localité, et je puis vous assurer, sans nous flatter, que nos plantations peuvent déjà servir de modèles aux nouveaux venus. J'ai déjà remarqué que Jeffersoncity, siège du Gouvernement et du corps législatif de cet Etat, n'est qu'à deux lieues belge d'ici, et ce qui vaut mieux encore, on se trouve à proximité du Missouri, de l'Osage, deux fleuves navigables, parcourus journellement par des nombreux bateaux à vapeur, et d'autres rivières et torrents, qui facilitent extraordinairement le commerce. Les colons libres et indépendants vivent ici heureux et contents, comme des Leopold disent-ils.

La 16e section de chaque bourgade (Township) a été allouée par un acte du Congrès pour aider l'instruction publique. Pour l'avantage de cette colonie, les 16e sections; non seulement sont ici très fertiles mais d'une valeur excessive vu leur situation au bord du Missouri et du confluent de l'Osage. L'instruction évangélique nous est donnée par un de nos compatriotes, Mr l'abbé F. Hélias d'Hudeghem, natif de Gand, qui a déjà construit quatre larges et grandes Eglises, deux en pierre, et deux en bois, qui formeront différentes paroisses éloignées de 2 en 2 lieues les unes des autres.

Ayant débarqué à Baltimore nous avons du voyager par l'intérieur et suivre le courant de l'Ohio. C'est la route la plus dangereuse, la plus difficile et surtout la plus coûteuse. Il vaut infiniment mieux débarquer à New-Orleans, en évitant néanmoins, à cause de la fièvre jaune, les mois d'Août, de Septembre et d'Octobre. Rien de plus avantageux sous le rapport de santé et d'intérêts, que de ne s'arrêter, ni de faire halte, depuis l'embarquement jusqu'à la destination. On pourrait pour ainsi dire arriver du port d'Anvers ou d'Ostende sans toucher terre jusqu'à Jeffersoncity. Au printemps s'est un temps favorable de partir et on se débarque pour l'ordinaire alors avant Mai, ici.

Nous avons trouvé ici une existence matérielle à souhait de l'aisance en perspective, avant tout de l'indépendance réelle, de la vraie liberté ! nos compatriotes qui voudraient nous suivre trouveront de plus un accueil fraternel chez d'anciens compatriotes, désireux de leur venir en aide de fait et de conseil.

Si le Gouvernement belge, Mr le Ministre, était d'opinion que nous pourrions personnellement être utiles ici pour servir d'intermédiaire comme personne de confiance pour lier des relations commerciales, c'est avec le plus grand bonheur que je m'empresserais de répondre à ces vues.

Agréez, Mr le Ministre, les assurances de mon profond respect.

Ce rapport, écourté, sera publié dans les journaux de l'époque :

Bruxelles, le 18 juillet 1848  (Moniteur Belge des 17/18 juillet 1848)

Le sieur Pierre Dierckx, cultivateur à Eecloo, s'est rendu, l'année passée, avec quelques compagnons, aux Etats-Unis d'Amérique, dans le but d'y fonder un établissement agricole. On ne lira pas sans intérêt la lettre ci-après, dans laquelle il rend compte des premiers résultats de son entreprise :

La colonie agricole flamande est établie dans le Missouri, à sept milles (2 lieues belges) seulement de Jeffersoncity (sic), capitale de cet Etat, dans le Jardin de l'Ouest, comme on l'appelle. La surface de la contrée est interrompue par des côtes, et elle est moins égale qu'en Flandre; mais les bas-fonds et les terrains aplanis sont extrêmement fertiles, et on peut dire, même sans exagération, que les terres situées le long des fleuves, des rivières et des torrents qui entrecoupent ces pays, sont les plus riches qu'on puisse trouver sur ce globe. La contrée est très bien boisée; elle abonde en bêtes à cornes, en pourceaux et en brebis. Les grains de toute espèce, le chanvre et le tabac s'y cultivent aussi pour l'exportation.

Le pays est riche en mines de plomb, de fer et d'autres minéraux. Les meules de moulin tirées d'ici sont les meilleures des États-Unis. Nous avons aussi dans ce voisinage des moulins à vapeur, des moulins à vent et des moulins à eau qui sont tirés par des bœufs ou des chevaux, ainsi que des brasseries et des distilleries. La vigne et les arbres fruitiers donnent des fruits plus abondants et meilleurs qu'en Europe. La grande fertilité du sol et la simplicité des procédés de l'agriculture font du travail le capital le plus considérable. Il ne faut ni engrais, ni attirail dispendieux. Un émigrant peut avoir sa maison construite, et mise en ordre pour 15 dollars; deux bœufs valent 16 dollars; un cheval 25, et une vache avec son veau, 6 dollars. La valeur de la terre varie selon l'amélioration qu'elle a reçue, sa qualité et les constructions qui s'y trouvent. On a 40 arpents de terre vierge pour 50 dollar; il y en a encore de 80,000 à 100,000 arpents aux environs de Jeffersoncity. L'arpent y produit en moyenne 20 boisseaux de froment; 50 de sarrasin, 40 de maïs et 1,500 livres de tabac.

Les frais de voyage payés, deux cent dollars suffisent avec de l'industrie pour s'y bien établir. Il n'y règne pas de fièvre bilieuse. L'état sanitaire de la colonie a toujours été excellent. La population s'y accroît d'une manière inouïe. Mes compagnons et moi, nous avons déjà ouvert une grande localité, et je puis vous assurer, sans nous flatter, que nos plantations peuvent déjà servir de modèles aux nouveaux venus. Jeffersoncity, siège du gouvernement et du corps législatif de cet Etat, n'est qu'à deux lieues belges d'ici, et, ce qui vaut mieux encore, nous sommes à proximité du Missouri et de l'Osage, deux fleuves navigables parcourus journellement par de nombreux bateaux à vapeur; d'autres rivières et torrents facilitent extraordinairement les relations commerciales. Les colons, libres et indépendants, vivent ici heureux et contents comme des Léopolds, disent-ils.

La 16e section de chaque bourgade (township) a été allouée par un acte du congrès pour aider l'instruction publique. Pour l'avantage de cette colonie, les terres de la 16e section non-seulement sont ici très fertiles, mais d'une valeur excessive, vu leur situation au bord du Missouri et du confluent de l'Osage. L'instruction évangélique nous est donnée par un de nos compatriotes, M. l'abbé F. Hélias d'Huddeghem, natif de Gand, qui a déjà construit quatre larges et grandes églises, deux en pierres et deux en bois, qui formeront différentes paroisses éloignées de 2 en 2 lieues les unes des autres.

Ayant débarqué à Baltimore, nous avons dû voyager par l'intérieur et suivre le courant de l'Ohio. C'est la route la plus dangereuse, la plus difficile et surtout la plus coûteuse. Il vaut infiniment mieux débarquer à New-Orleans, en évitant néanmoins, à cause de la fièvre jaune, de le faire pendant les mois d'août, de septembre et d'octobre. Rien de plus avantageux sous les rapports de santé et d'intérêts que de ne s'arrêter, ni de faire halte, depuis l'embarquement jusqu'à la destination. On pourrait, pour ainsi dire, sans toucher terre, arriver au port d'Anvers ou d'Ostende, jusqu'à Jeffersoncity. Le printemps est l'époque la plus favorable pour partir, et on débarque alors ordinairement ici en mai.

Nous avons trouvé une existence matérielle à souhait, de l'aisance en perspective, avant tout de l'indépendance réelle, de la vraie liberté. Nos compatriotes qui voudraient nous suivre trouveront de plus un accueil fraternel chez d'anciens compatriotes désireux de leur venir en aide de fait et par leurs conseils.

Si le gouvernement belge était d'opinion que nous pourrions servir ici d'intermédiaires comme personnes de confiance pour former des relations commerciales, c'est avec le plus grand bonheur que je m'empresserais de répondre à ses vues.

Agréez, etc.

(signé) PIERRE DIERCKX

propriétaire à Jeffersoncity, Amérique du Nord

Un deuxième rapport est envoyé l'année suivante, il sera reçu le 24 mai 1849

Monsieur le Ministre,

Votre Excellence par sa lettre du 22 avril 1847, Indicateur B. N° 303 ayant eu l'extrême obligeance de me faire connaître le désir de recevoir toutes les communications par lesquelles je lui ferai comprendre le résultat de notre Colonie agricole Belge, établie à sept milles de Jeffersoncity au Missouri, dans les Etats-Unis de l'Amérique Septentrionale, où je me suis établi depuis ce temps, je prends de nouveau la respectueuse liberté de lui soumettre mes patientes investigations tirées de longues excursions et de sérieuses études sur les ressources vraiment inépuisables de notre nouvelle patrie.

D'abord, je puis à présent sans appréhender la moindre illusion avec pleine connaissance de cause et du lieu vous assurer sans exagération et avec toute la véracité que Monsieur le Ministre a droit d'attendre de moi, que ce n'est pas sans fondement qu'on a appelé cet Etat du Missouri, le Jardin de l'ouest. Car quoique, comme je vous ai déjà mentionné dans mon 1er rapport,(de 1848), sa surface soit interrompue par des côtes, et moins égale que les campagnes Belges, les bas fonds néanmoins et les terrains aplanis sont d'une fertilité tellement inépuisable, qu'ils n'auront pas besoin durant un demi-siècle, ni d'engrais ni de repos. Le voisinage surtout du rivage des fleuves et des rivières sont sans exagération les plus fertiles du globe habité.

Si vous ajoutez à cet avantage de la fertilité du sol, qui dès la 1ere année de sa culture, donne une végétation, pour la qualité et la quantité des fruits, inconnue dans l'ancien hémisphère; d'abord la grande simplicité des procédés de l'agriculture, qui n'exige pas comme en Europe, ni engrais, ni attirail dispendieux, en défrichant même la terre vierge de la première qualité, terres qu'on trouve encore dans ces environs en grande quantité au prix du Congrès, c'est à dire, à 50 piastres les 40 arpents. Ensuite la salubrité du climat qui m'a laissé, ainsi que mes compagnons de voyage, jouir jusqu'à ce moment d'une santé inaltérable, même au plus fort travail et durant les saisons les moins propices de l'année. Je vous laisse conclure, Monsieur le Ministre, si cette contrée ne conviendrait pas à nos trop nombreux et pauvres compatriotes que l'indigence et la stagnation des industries belges, forceraient comme nous de s'expatrier!

Je ne parle pas ici d'un avantage, qu'on estime ici dessus tout ... la vraie liberté et l'indépendance absolue garanties par la Constitution et le bon esprit de toute la nation, qui aime l'ordre et l'observance de la Loi, sans avoir besoin d'officiers de police et de gendarmerie. On vit ici tranquille et presque sans charge ni contributions. Les patentes, les taxes et les impôts sont si modiques, qu'ils ne méritent pas d'être mentionnés. Le recrutement pour la milice nationale est libre, l'enrôlement en cas de guerre est facultatif. En cas de besoin, la générosité du Pays à récompenser le service militaire, fournit plus de combattants qu'il n'en pourrait avoir besoin.

Mais j'ai oublié de vous mentionner que les prix des terres déjà défrichées varie naturellement selon l'amélioration et les édifices qui s'y trouvent. Quelques uns de notre Colonie Belge pourraient déjà offrir leurs plantations comme Fermes modèles aux nouveaux venus; elles rapportent avec toute espèce d'arbres fruitiers, vignes, excellents légumes, toutes les céréales et les herbes qu'on trouve dans aucun climat d'Europe; tels que froment, seigle, avoine, orge, escourgeon, sarrasin, maïs, pomme de terre, navet, betterave, et encore tabac, lin, chanvre en plus grande quantité et en meilleure qualité que sur un même espace en Europe. Il en est de même des fourrages tels que trèfles, féveroles, luzernes, vesces, de même à meilleur rapport qu'en Flandre. Le lin vient admirablement bien ici, et fournirait, si on le désirait, la plus fine qualité de semence pour la fabrique de l'huile. Mais vu le bas prix, comparativement à beaucoup meilleur marché des fabriques de coton, on ne manufacture guère du lin dans ces contrées et les meilleures toiles, dont on use ici, sont importées de l'Irlande et le débitent ici à très haut prix et par conséquent cette branche de manufacture offrirait aux tisserands belges un emploi très lucratif. Le chanvre constitue un autre entrepôt très profitable dans ce lieu, et s'il est bien pourri ou préparé sous l'eau, il égale, pour ne rien dire de plus, en qualité celui de la Russie et de la Pologne. Notre tabac surpasse celui de la Virginie, et est un entrepôt d'autant plus important qu'il fournit de l'emploi à un plus grand nombre de personnes et que même des enfants y trouvent un honnête salaire. les bêtes à cornes, les chevaux, les mulets, les porcs et les moutons trouvent ici leur pâturage durant huit mois de l'année en rase campagne sur des prairies communes et naturelles sans occasionner la moindre dépense ou embarras au propriétaire. La laine est ici à meilleur marché, ou à un prix bien plus bas que dans aucune autre section des Etats-Unis. les fabricants de drap, trouveraient leur avantage d'élever des manufactures dans ce pays, les matériaux, les vivres, et tous les objets nécessaires, pouvant être procurés ici à peu de frais, et le débit à un prix très considérable; il y aurait donc double bénéfice pour l'entrepreneur; un débouché aux émigrants; et on occuperait un nombre considérable d'ouvriers. Le gouvernement de cet Etat encourage surtout cette branche de l'industrie. Le coton est moins adapté à ce climat tempéré, il est produit sans contredit avec plus d'avantage dans une région plus chaude se cultive par conséquent par les nègres; cependant il y réussit avec succès et est employé, quoi qu'en petite quantité, dans les tissus domestiques. Le coton d'ailleurs, en gros, peut être procuré à très bon marché en échange pour les produits du Missouri telle que la farine, le lard, etc.

Votre Excellence jugera combien il serait important et facile d'établir ici des ateliers, des usines, des fabriques et des manufactures à eau et à vapeur de toute espèce, comme des verreries cristal, des clouteries, etc. - considérant l'inépuisable richesse de nos mines de charbons, de fer, de cuivre, de plomb, de manganèse, d'alabaster; et ainsi que par la facilité de se procurer des matériaux de construction de toute espèce; et de transport par les bateaux à vapeurs qui parcourent nos fleuves et nos rivières journellement. La rivière Osage qui a son confluent dans le Missouri, à trois lieues de notre colonie belge, est navigable en bateau à vapeurs, ou autre barque, à une étendue de 240 milles, et le gouvernement a alloué une somme très considérable et des travaux publics très étendus sont maintenant en opération pour l'amélioration de la navigation. Par ce moyen une communication permanente et assurée va être ouverte avec cette section la plus riche et la plus extensive dans le règne minéral aussi bien qu'agricultural des Etats-Unis. En effet quoique l'Etat du Missouri soit proverbialement connu comme le plus riche des Etats minéraux, il est généralement admis que la vallée de la rivière de l'Osage, présente un champ plus étendu à l'entreprise et à l'industrie qu'aucune autre portion de cet Etat, car les fabriques de fer et d'acier, et toutes les branches de l'industrie dépendent dut brut et rude matériel. Notre colonie assurément conviendrait admirablement aux pauvres, mais industrieux fabricants de Liège, de Namur et des environs; qui trouveraient ici, en rude et brut matériel, tout ce qu'il pourraient souhaiter. Et le fret de la navigation supérieure des fleuves Ohio et Mississippi, donnerait aux Fabricants de fer sur l'Osage, une protection contre les compétiteurs; ce qui seul constituerait un superbe profit, et leur livrerait, sans le moindre doute, l'entier monopole du commerce avec toutes les immenses contrées situées à l'Ouest de cet Etat. Quant au charbon de terre on en trouve dans le Comté de Cole, où nous habitons, et dans notre voisinage, dans une étendue de douze milles, des mines inépuisables des meilleures espèces bitumineuses aussi bien que le charbon Cannel ou CandleCoal (charbon chandel) De cette dernière espèce on trouve ici la meilleure qualité qu'on ait découvert dans cet hémisphère, et parfaitement égale aux fameux charbons Cannel d'Ecosse. L'épaisseur de la strate des charbons bitumineux est de 8 à 10 pieds, et a une profondeur de la surface qui n'excède jamais de 10 à 15 pieds, et le charbon contient un argile à feu (fire clay) qui est admirablement adapté pour fabriquer des briques, qui résisteront au plus haut degré de chaleur. Des briqueteries et tuileries, ou toute espèce de poteries, auraient grand débit dans ces parages. Le charbon Cannel se trouve ici dans des endroits de 30 et plus de pieds d'épaisseur, et les charbonnières s'étendent tout le long de la rivière de l'Osage, aussi loin qu'elle est navigable, c'est à dire pour 260 milles anglaises. Cet excessif renfort de charbon fournit toute facilité pour les fabriques de fer, et l'établissement des manufactures à vapeur. Nous possédons aussi à nos environs, à une douzaine de milles d'ici, les positions les plus splendides pour établir des moulins hydrauliques; assurément les plus abondantes sources de l'Ouest, qui ne tarissent jamais, et non exposées aux inondations. Le voisinage de ces sources excellentes est très propre à l'entretien des moutons, et à la fabrication de la laine. De plus, à un mille de ces sources inépuisables d'eau, on trouve la mine de fer, hématite ou Oxyde brun d'environ 50 à 60 par cent de richesse et d'une excellente qualité, saillant en larges masses depuis la surface. Puis, à environ 30 milles d'ici, sur le rivage de l'Osage, on rencontre une nappe de terre de quatre milles carrés, abondant sur sa surface d'une mine de fer excessivement riche; toutes les deux, l'hématite et le Peroxyde contient de 60 à 70 par cent de fer, et sont admirablement adaptés pour les fabriques d'acier. La pierre à chaux dont on pourrait avoir besoin, dans l'érection de ces diverses fabriques, se trouve partout en grande abondance dans cette contrée, et constitue le principal linéament dans la formation géologique de ce district, c'est à dire la formation carboniférique et galeniférique, couverte à une profondeur raisonnable d'un sol alluvial, qui est généralement sur les hauteurs, d'une excellente qualité et recherché des agriculteurs. J'ai déjà observé que les bas fonds surpassent par leur inépuisable fécondité toutes les terres du globe. La pierre à sablon (sandstone) il y en a une variété presque ressemblant le pain à sucre dans une strate d'environ 20 pieds près des sources à ceux ci-dessus mentionnés. Cette pierre est pour ainsi dire en pulvérisation et séparée de tout ciment d'un caractère argileux. On en fabriquerait de superbe verre cristal, dans la fabrication de laquelle on emploie le manganèse. Or on en trouve sur le rivage de l'Osage un ou deux dépôts très abondants de manganèse d'oxyde noir. L'alabaster ou carbonate cristallisé de chaux se trouve en grande masse près des sources d'eaux, on en fabriquerait à grand avantage des ornements de différente espèces. La mine de plomb, mine de Galena se trouve en grande quantité au long de la rivière de l'Osage. On l'exploite maintenant dans différents endroits; cette mine est très riche, contenant 80 par cent de plomb, et fournit à la fournaise 72 par cent avarié. On n'a pas trouvé jusqu'à présent des carrières d'ardoises, mais on peut faire des tuiles; des bardeaux ou lattes de bois de chêne ou de noyer, forment un bon toit. Nos immenses forêts d'arbres de toute espèce comme le chêne, le noyer, pin etc. fournissent des planches et les poutres aux bâtisses au prix de la main d'oeuvre. On trouve aussi partout une excellente pierre calcaire qu'on façonne facilement et qui est moins coûteuse que la brique; quoique on puisse fabriquer la dernière à très peu de frais, et en mêlant la surface du sol avec de l'argile qui se trouve au dessous, on peut en fabriquer d'excellentes partout.

Nos grandes forets sont remplies de gibier de toute espèce et comme il est libre à chacun de chasser sans permis de port d'armes, un armurier ferait grand profit.. On trouve ici grand nombre de caves remplies de salpêtre, si pure et si fine, qu'en le lavant une fois on puisse s'en servir dans la manufacture de poudre. On trouve aussi une pierre qu'on pourrait substituer au Cuhr français dans la construction des meules de moulin, on l'appelle Osage buhr et est la meilleure pierre pour cet effet dans les Etats-Unis, elle est compacte, fort peu poreuse, et peut être un peu trop dure, on présume, qu'à mesure qu'on pénètrera plus avant dans la carrière, elle se perfectionnera. Je dois avouer cependant que cette branche d'industrie vient d'être abandonnée par raison de la trop grande dureté des meules qui les rendent moins propres aux Moulins à eau, au vents et tournés par des boeufs et des chevaux.

Quant aux relations commerciales que la Belgique même notre Patrie Mère, pourrait établir avec sa fille, notre nouvelle patrie, je ne puis, il est vrai, calculer au juste tous les chances, attendu que je ne connais pas exactement les prix actuels, auxquels pourraient se facturer les produits belges. Mais l'acquisition d'immenses territoires que Nos Etats-Unis viennent de faire à l'Ouest du Mississippi, surtout l'invaluable Région de l'or de Californie, de 1000 milles d'étendue, induira sous peu les premières Maisons de commerce à entretenir un négoce régulier avec leurs compatriotes. Ces mines inépuisables d'or le plus pur doivent attirer l'attention de l'univers entier. D'après des dépêches officielles du Gouvernement on tire des pièces d'or de 25 livres pesant à la fois. Plusieurs personnes qui ne possédaient à la fin du mois de juin que 100 piastres, s'en avaient gagnés au commencement de cette année de 5 à 20.000. On se flatte d'en exporter durant cette année pour la valeur de 5 à 10 millions de piastres. Les habits confectionnés, chemises, souliers etc. et toute sorte de provision, y sont d'un prix exorbitant! Une chemise ordinaire de coton s'y vend à présent pour une once d'or de 5 à 16 piastres, tandis qu'on donne de 2 a 12 onces pour un tapis ou couverte. Le salaire d'un mineur qui se laisse engager pour quelques jours consécutifs, est de 100 piastres la journée. Mais les vivres et les habits y sont d'un prix proportionné au salaire et doivent y être importés de l'intérieur de ce pays. Voici donc un superbe débouché! L'or se débite maintenant en petites pièces, jusqu'en pièces d'un livre de poids à 16 piastres l'once dans le commerce.

Quand aux chances de l'émigration, si le gouvernement Belge persiste à vouloir en tenter à titre d'essai, sous sa direction et sa garantie, je puis assurer votre Excellence, d'après mes informations, données non dans le dessein de délusion, mais dans un esprit de véracité, que notre contrée convient plus que toute autre pour faire cette expérience. D'abord j'ai démontré qu'on y trouve des ressources intarissables; ensuite elle offre avec la Belgique des similitudes de climat et de salubrité. Il est donc évident que nos pauvres, mais industrieux compatriotes, si les préparatifs sont sagement conçus et dirigés dans ces plages fertiles et salubres, y trouveront infailliblement, et cela en peu de temps, une situation heureuse et prospère. Mais afin que ces pauvres émigrants bornés, sans prévoyance et connaissance des langues et des lieux, ne se laissent tromper et ne se trouvent à leur arrivée comme perdus dans le désert, sans abri, et dénué de tout; il faut absolument se charger du fret, des provisions, etc. en un mot de leur transportation au siège de l'émigration, leur procurer d'avance des terres, y faire construire une cabane en bois brute, leur fournir quelques instruments aratoires, du bétail, des moyens d'existence jusqu'au moment où ils pourraient suffire à eux-mêmes. Pour le Médecin, les Pharmacies, Ministre du Culte, Maître d'école on peut s'en procurer ici, qui sauront les deux langues, les lois, les coutumes, les nécessités de ce pays.

Le fret approximatif d'Anvers à la Nouvelle Orléans est de 90 à 110 francs, vivres compris. De la Nouvelle-Orléans à St Louis de 20 à 40 francs, et de St Louis à Jefferson city de 7 à 10 francs. Pour l'achat des terres, etc., l'argent devrait être déposé chez le Ministre Belge à Washington D.C. où l'argent s'adresserait en cas de besoin et rendrait compte de ses dépenses, etc.

Si le Gouvernement, Monsieur le Ministre, jugerait que je pourrais personnellement être de quelque utilité dans cette honorable et importante entreprise, ou dans toute autre relation commerciale entre les deux pays, c'est avec le plus grand bonheur que je répondrais à ses ordres. 

Agréez les assurances de mon profond respect, Votre humble et très obéissant serviteur, 

De Votre Excellence,                                    Pierre Dirckx

En 1849, le consul général à New York est chargé de faire un rapport sur la colonie flamande de Jefferson city. Sa réponse, accompagnée d'une lettre du maire de Jefferson City et d'une notice de l'ingénieur anglais J. Johnson sur les ressources du Missouri seront transmises au Ministre de l'Intérieur. 

Ces archives se trouvant aux Archives Générales du Royaume, je n'ai pas encore eu l'occasion de les consulter. Plus rien à ce sujet aux A. M. A. E.