HOUZEAU Jean Charles in "Revue Trimestrielle"
7e
envoi : 1er novembre 1859 (tome 25, 1860, pages
287-315)
... - L'Émigration;
débarquement des émigrants à Castle Garden; caractères et aptitudes
des différents peuples; les Irlandais; les allemands; les peuples de race
latine - Les Belges aux Etats-Unis; leurs principaux établissements;
leurs fautes et leurs erreurs - ...
L'émigration
belge n'est pas considérable jusqu'ici : on ne compte pas trois mille de
nos compatriotes aux États-Unis, chiffre qui s'efface pour ainsi dire en
présence des quatre millions d'Européens. Tandis qu'une moitié des
Belges est disséminée, le reste s'est groupé dans quelques noyaux. Tout
le monde sait que ces groupes ont rencontré plus de revers que de succès.
M. le consul Poncelet, que nous avons déjà cité, a justement indiqué
les causes de ces désastres, dans ses rapports officiels.
Il reproche
aux Belges groupés d'avoir méconnu la différence des contrées, des
climats, des usages et des moeurs. Parce qu'ils étaient quelques
centaines ensemble, il leur semblait qu'ils n'avaient pas quitté la
patrie. Ils sont venus sur un sol nouveau, sans savoir ce qu'exige un settlement américain, et sans se donner la peine de l'apprendre. Ils se
sont créé des intérêts dans un pays dont ils négligeaient d'étudier
la langue, restant toujours incapables de traiter leurs affaires par eux-mêmes,
sur les marchés, à la bourse, dans les bureaux de toute espèce, dans
les transactions écrites et, au besoin, devant les tribunaux.
A Green-Bay,
par exemple, nos compatriotes ont choisi des terres fortement boisées,
sans considérer que le défrichement serait rendu par là plus pénible,
tandis que la futaie, - faute de moyens de transport, - était de nulle
valeur. Une fois en possession de ces terres, ils ont construit de petites
maisons disséminées; ils se sont aperçus alors qu'il faudrait ouvrir
autant de routes que de maisons, pendant qu'un seul grand chemin eût
suffi pour desservir des habitations alignées. Ils ont usé leurs
capitaux dans ce travail ingrat de viabilité, sans pouvoir le mener à
bonne fin. Il ne restait plus de fonds pour les usines les plus
essentielles : il fallait aller au moulin à sept lieues de distance; et
-ce qui est encore plus maladroit- avec un lac superbe à trois lieues,
les habitations étaient tellement placées qu'il fallait une journée
entière pour mener les produits au point d'embarquement. Cette petite
agglomération belge est située d'ailleurs dans un des climats les plus
rudes des Etats- Unis, dans l'État de Wisconsin, canton de Brown.
Le second
point en importance est placé à quelque distance du fleuve Ohio, dans l'État
d'Indiana, canton de Perry. Son nom de Léopold indique déjà que
les colons s'y sont établis en regardant en arrière. Ils n'ont pas su,
suivant les propres expressions de M. Poncelet, " en touchant le sol
américain, se faire Américains; laisser toutes les illusions d'Europe de
côté, et travailler comme de vrais pionniers. " Toute pensée de
retour amollit les travaux de colonisation. La patrie adoptive doit
devenir la véritable patrie. Il faut aux colons modernes un mobile sérieux
et profond. Le settler américain défriche parce qu'il comprend la
puissance de l'homme sur la nature. Exercer cette puissance est sa destinée,
dans laquelle il trouve son bonheur. C'est une sorte d'ambition
intellectuelle qui le soutient et qui l'anime. Que peut devenir à ses côtés
celui qui n'a pas d'autre vue que l'enrichissement individuel, ni d'autre
pensée qu'un retour en Europe pour y éclabousser ses anciens voisins?
Léopold,
conduit dans ces idées étroites, végète misérablement. Les fautes de
Green-Bay y ont été reproduites. Au lieu de faire périr les arbres par
le procédé facile du cernage, les colons se sont épuisés à les
abattre à la main, pour enlever ensuite jusqu'aux dernières traces des
souches et des racines, comme si la terre leur eût manqué. Il en est à
peu près de même à Sainte-Marie de Pennsylvanie, fondée avant qu'il y
eût un seul settlement yankee dans le Texas, le New-Mexico, l'Arizona, la
Californie, l'Orégon, - peut-être avant le premier défrichement régulier
à l'ouest des Montagnes Rocheuses. Et pourtant il n'est guère un humble
manoir de ces nouveaux États ou territoires qui ne se soit élevé
au-dessus des pauvres établissements belges de Sainte-Marie.
A Sheldon,
non loin de Buffalo, les résultats sont un peu meilleurs. C'est ici la
moins connue des agglomérations belges. Notre consul général, M. Mali,
dit dans un rapport au ministre : " Je n'ai pu, malgré des démarches
réitérées, obtenir des renseignements précis sur Sheldon. " Mais
cette absence de documents dans les consulats montre que la population
s'est faite américaine. Elle a suivi, en effet, l'exemple des Yankees et
s'est adaptée au pays.
Les Belges
isolés ont sans doute à se soumettre à un apprentissage très rude, en
travaillant un certain temps pour des étrangers. Mais par cela même ils
gagnent plus de connaissances utiles, et un grand nombre d'entre eux ont
prospéré. L'émigrant doit se persuader, avant son départ, qu'une
instruction nouvelle est à acquérir tout entière. Il faut commencer par
apprendre une langue étrangère, par s'initier aux moeurs, aux coutumes,
à la législation. C'est refaire tout le travail de notre adolescence et
de nos jeunes années. Nous n'entrons guère dans ce monde nouveau que
comme des enfants. Quiconque immobilise dès l'abord ses capitaux, -
qu'ils soient considérables ou modestes, - doit presque infailliblement
les dissiper.
Note
: Voici quelques autres points où des émigrants belges sont réunis : Port
Washington et Fredonia, sur les bords du lac Michigan, dans le
Wisconsin; Canton, dans l'État d'Ohio, canton de Stark; Port
Byron, sur le lac Ontario, dans l'État de New-York. Toutes ces
localités sont situées dans le Nord. En les indiquant, nous n'avons pas
pour but de les recommander à nos compatriotes.
14e
envoi : trois correspondances datées du 20 septembre 1861, 13
février 1862 et 12 avril 1862 (tome 35, 1862, pages
170-238)
... - séjour de
Houzeau à San Antonio, Texas et son intervention pour aider Charles
Anderson, frère du major Anderson à quitter le Texas ...
en construction !
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HOUZEAU de Lehaie
(ou Lehaye),
JEAN, CHARLES, HIPPOLYTE, JOSEPH
Château de l' Ermitage» à Mons, 7 octobre 1820 - Schaarbeek - Bruxelles,
12 juillet 1888
Astronome, mathématicien et
physicien, correspondant (1854), puis membre (1856) de la Classe des
Sciences de l'Académie royale de Belgique. Directeur de l'Observatoire
Royal de Belgique.
Le 28 octobre 1857, il arriva à New Orleans à bord d'un petit voilier le
Métropolis. Il séjourna dans cette ville pendant plusieurs mois et se
rendit ensuite au Texas, à San Antonio où il arriva le 21 mai 1858. Peu
de temps après, il s'occupa de travaux d'arpentage à quelque distance de
San Antonio, pour tracer les canaux d'irrigation d'une petite plaine.
Puis du ler septembre au 15 octobre 1858, il fit une excursion jusqu'au
Rio Grande et revint à San Antonio.
Quelque temps après, il fut chargé de faire des voyages de reconnaissance
dans les immenses étendues inhabitées de l'ouest du Texas où il mena la
vie du "frontierman" jusqu'au début de la Guerre de Sécession. Il fut
alors obligé de retourner à San Antonio.
Après un court séjour à
Austin, il revint à San Antonio dans l'espoir d'y passer la Guerre
Civile sans être inquiété. Mais antiesclavagiste convaincu, il ne
voulait à aucun prix être enrôlé dans l'armée des esclavagistes ou être
tué par les planteurs. C'est ainsi qu'il fut obligé de fuir le Texas et
de se sauver au Mexique (février-mars 1862).
De Matamoros (Mexique) où
notre voyageur avait séjourné pendant plusieurs mois, il revint à New
Orleans le 31 janvier 1863 à bord du navire de guerre américain
Kensington. C'est ici qu'il se jeta corps et âme dans la campagne
antiesclavagiste principalement en collaborant au journal des noirs
l'Union. Cette feuille devint un quotidien sous le titre La Tribune.
En juillet 1863, Houzeau se
rendit à Philadelphie où il fut correspondant du journal
antiesclavagiste.
Le 14 novembre 1864, de
retour à New Orleans, il prit la direction de La Tribune. Il donna à la
partie anglaise de ce journal la place prépondérante et fit de ce
quotidien local une feuille d'importance nationale. Il y mena une
vigoureuse campagne antiesclavagiste qui fit sensation dans tous les
É.-U.
II abandonna la rédaction de La Tribune le 18 janvier 1868 et le 17 mai il
quitta New Orleans et les É.-U. pour aller se fixer à Kingston (Jamaique),
puis à Ross View à quelques kilomètres de cette ville.
Après son retour en Belgique (1876) pour y devenir Directeur de
l'Observatoire Royal de Belgique, il fit encore un séjour de quatre mois
aux USA. principalement à San Antonio de Bexar (Texas) pour
l'observation du passage de Vénus sur le soleil (août-décembre 1882),
phénomène qui eut lieu le 6 décembre.
Houzeau a laissé de très nombreux et très intéressants écrits sur les
États-Unis. Ses écrits sont surtout des correspondances ou articles
envoyés à des journaux et périodiques belges. La Revue Trimestrielle
publia ses articles intitulés "Correspondance d'Amérique" regroupant 25
correspondances publiées en 23 articles de mars 1858 à juin 1865.
( d'après Antoine De Smet -
Voyageurs belges... - p. 91-92 )
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